mercredi 27 mai 2009

0023 Les rois de la magouille "B" et "F" vont-ils, enfin, se faire sérieusement épingler par la vraie justice ????

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La 17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris a l'habitude de juger les affaires de diffamation. Parfois, pourtant, les procès se retournent : les avocats des supposés « diffamateurs » en sont réduits à déballer le linge sale des prétendus « diffamés ». C'est ce qui est arrivé mardi après-midi, au détriment du procureur de la République de Tahiti, Jean BIANCONI. L'affaire portait sur un article écrit par un journaliste indépendant de Tahiti, Alex du Prel. Ce journaliste et écrivain d'origine américaine anime presque à lui seul le mensuel Tahiti Pacifique, depuis un coin reculé de l'île de Moorea. C'est un homme courageux, qui n'hésite pas à « porter la plume dans la plaie », comme disait Albert Londres : il dénonce souvent les affaires de corruption en Polynésie, et n'a jamais accepté que l'on enterre l'enquête sur la mort du journaliste Jean-Philippe Couraud, connu à Tahiti sous les trois lettres « JPK ». Ce dernier, on le sait, a disparu dans des circonstances suspectes en 1987. La thèse officielle de ette disparition est le suicide, mais la famille a la conviction qu'il a été assassiné. Un article assassin pour le parquet de Tahiti et le procureur BianconiAlex du Prel pense lui aussi que JPK a été tué, noyé par des hommes de main de l'ancien président Gaston Flosse. Dans un article publié en janvier 2007, titré « Oui, JPK a bien été assassiné ! », il accusait ouvertement le Groupement d'intervention de la Polynésie (GIP, l'ancienne milice de Gaston Flosse) d'être à l'origine de sa mort. Mais il y mouillait aussi la justice locale, estimant « ridicule voire carrément suspect (…) l'acharnement du parquet de Papeete et de l'entourage de l'ex-président Flosse pour tenter de démontrer par tous les moyens que les témoignages (allant dans le sens d'un assassinat) ne seraient que des “rumeurs fantaisistes” ». Il visait clairement, sans le nommer directement, le procureur Jean BIANCONI : « Serait-ce dû au fait qu'un haut magistrat pourrait se croire investi par une sorte de “mission divine”, qui consisterait à orchestrer une machination (à laquelle certains juges accepteraient de participer) pour protéger par tous les moyens l'ex-GIP et son chef Rere Puputauki qui, s'il était condamné, pourrait mettre en danger le sénateur Flosse, lequel à son tour pourrait alors mettre en danger “les plus hautes sphères de l'Etat” ? »A la suite de la parution de l'article, Jean BIANCONI, son substitut Christophe Perruaux et le juge d'instruction Philippe Stelmach ont porté plainte en diffamation contre du Prel. Un procès à 16 500 kilomètres des faits jugésMais les trois hommes ont choisi de porter l'affaire à Paris, à 16 500 kilomètres de la rédaction de Tahiti-Pacifique. Une manoeuvre visant, selon le journaliste, à sortir le dossier de son contexte. Commentaire d'Alex du Prel, dans un email qu'il nous a adressé : « Imaginez le tollé qui se soulèverait en France si le procureur de Paris assignait le directeur de publication d'un magazine parisien devant le tribunal correctionnel de Papeete, sous prétexte que trois exemplaires seraient vendus à Tahiti. C'est un procédé que quelques rares vicieux ont utilisé dans le passé pour se venger d'éditeurs de livres (jamais de presse) qui les malmenaient. ».Entre le dépôt de cette plainte et le procès de mardi, de l'eau a coulé. Et cette eau a charrié de nombreuses révélations et rebondissements, donnant raison à ceux qui, comme du Prel, réclamait début 2007 une réactivation de l'enquête. Celle-ci a récemment conduit à des perquisitions à la DGSE ou chez Gaston Flosse.Un parquet qui poursuit un journaliste, mais pas les nervis de FlosseA cause de la distance, aucune des parties (accusateurs ou accusé) n'était présente mardi dans la salle d'audience. Pour défendre son client, Me Claire Doubliez a choisi d'étaler les turpitudes de la justice de Tahiti : il lui fallait démontrer la bonne foi de son client, et donc reconstituer pour les juges le contexte de l'article incriminé. Le résultat : un tableau effarant de la justice de Polynésie, dans son versant « parquet ».Jean BIANCONI était jusqu'en 2003 le président de la chambre d'appel d'Aix-en-Provence. Chiraquien, acteur et témoin du drame de la grotte d'Ouvea en Nouvelle-Calédonie, il a été nommé procureur de la République à Papeete alors que Gaston Flosse, ami de Jacques Chirac, commençait à avoir des ennuis judiciaires pour son abus d'emplois fictifs.Dans sa plaidoirie, l'avocate du journaliste s'est interrogée : qu'est-ce que c'est que ce parquet qui poursuit un journaliste dérangeant, mais qui n'a rien fait pour poursuivre les agents du service de renseignements du GIP, les « tontons macoute de Gaston Flosse » ? Et lorsque le même GIP, a-t-elle poursuivi, s'est ouvertement rebellé contre Oscar Temaru, en 2005, « qu'a fait le parquet ? Rien ».Des pressions indignes sur le juge chargé de l'affaire Que penser d'un procureur qui donne son feu vert à l'arrestation et la condamnation express, en comparution immédiate, pour dénonciation calomnieuse, d'un témoin-clé, Vetea Guillou, venu expliquer en 2004 qu'il avait recueilli les confidences des assassins de JPK ? Le juge d'instruction de l'époque, Jean-Bernard Taliercio, en charge de l'enquête sur la disparition de Jean-Pascal Couraud, n'avait alors même pas été informé de l'affaire…L'avocate a relaté les pressions exercées par Jean Bianconicontre Taliercio, alors chargé de dossiers sensibles pour Flosse, et réputé peu docile. Au bout du compte, le parquet tahitien a tenté de « coller » une affaire de harcèlement sexuel sur le dos du juge. L'affaire, instruite à Paris, a finalement débouché sur la non-culpabilité du juge… Me Doubliez a raconté encore, pour souligner les liens Bianconi-Flosse, comment en 2006, le parquet a requis la relaxe dans uneaffaire de prise illégale d'intérêt impliquant le potentat local, et qui finit quand même par la condamnation (certes légère) de ce dernier…A la sortie du tribunal, l'avocat des trois magistrats accusateurs, Me Xavier Normand-Bodard, haussait les épaules : « J'ai apporté des faits précis. La défense, elle, a essayé de réécrire un article a posteriori. » Claire Doubliez, elle, vantant le courage de son client, semblait sincèrement choquée par toute cette affaire « hallucinante ».Le jugement sera rendu le 23 juin.Photo : Jean-Pascal Couraud, alias JPK, journaliste retrouvé mort à Tahiti (DR).

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